À propos
Une autopsie clandestine, un cerveau dérobé dans la nuit, une épidémie à l’étiologie nébuleuse, un psychiatre aux méthodes douteuses, des infirmières en colère et une administration protocolaire : c’est dans les errances et fulgurances d’une recherche historique que Le Cerveau volé invite l’auditeur·ice à entrer.
Le Cerveau volé, c’est l’histoire de Louise, une historienne, fraîchement dotée d’un doctorat, réveillée la nuit par deux hommes qui lui volent le cerveau.
C’est aussi l’histoire du cerveau volé d’une infirmière morte à Bruxelles en 1924 des suites d’une maladie mystérieuse.
Le Cerveau volé, c’est surtout l’histoire d’une historienne qui discute et vit avec ses archives au détriment de sa carrière et de sa vie sociale.
Inspiré de faits réels et basé sur une recherche originale, Le Cerveau volé est une fiction documentaire en 6 épisodes, qui explore les conversations d’une historienne avec ses archives, interrogeant sa relation avec le passé, ses convictions et l’écriture de l’histoire.
Note d’intention
L’ennui quand on rédige une thèse, c’est que les meilleures histoires ne font pas les meilleurs écrits scientifiques
On s’oblige à faire des choix, on se plie à l’exercice académique et on laisse trop souvent sur le carreau les faits qui nous ont fascinés, remués et même angoissés. Le Cerveau volé est né de cette frustration.
C’est par le plus complet des hasards, au détour d’une recherche historique dans les archives des hôpitaux de la Ville de Bruxelles, que l’on a découvert ce fait divers aussi étrange qu’absurde : en 1924, le cerveau d’une infirmière est volé par un psychiatre renommé au cours d’une autopsie clandestine à l’hôpital Saint-Jean de Bruxelles.
Parce que le tragique rocambolesque de cette histoire de cerveau volé, où se mêlent des médecins convaincus de leur bon droit, des infirmières en colère, la Science et une maladie aussi mystérieuse que contagieuse, méritait de sortir du carcan académique, on en a fait une fiction radiophonique.
Écrire l’histoire, c’est aussi (se) raconter des histoires. Il y a, dans le travail des historiens, de la méthode, oui, mais aussi une grande part d’imagination. Parce que le papier et l’encre des archives ne contiennent pas que des dates et des faits. Les archives contiennent des mondes entiers, à comprendre et à recomposer. Elles recèlent de riches personnages auxquels on s’attache et dont on s’amuse à imaginer la voix, le visage ou la posture. Elles présentent des situations aux ressorts parfois si opaques pour notre époque qu’il faut, au fur et mesure que la lumière se fait sur eux, sans cesse se les re-figurer.
Ce travail d’imagination historienne est le propos même du Cerveau volé. À travers le cheminement de Louise Jardin, notre alter ego névrosée, on voulait donner à voir – à entendre – la créativité, les émotions, les attachements que peut générer une enquête historique. Et la complexité d’un passé qui n’est jamais fixe et qui, parce qu’il est humain, débordera toujours des interprétations manichéennes du monde.
Ni tout à fait documentaire historique ni tout à fait fiction, Le Cerveau volé cherche à rompre avec l’histoire avec un grand « h » si souvent déclamée à travers le regard froid et la parole inébranlable de l’expert·e, pour laisser place à l’émotion, au doute et à l’inévitable engagement du chercheur avec son objet de recherche. Parce que c’est cet engagement qui donne naissance au récit : les faits ne prennent leur sens qu’à travers les histoires que l’on (se) raconte.
Cet humain tapi derrière chaque objet d’étude est au cœur du Cerveau volé qui exploite les ressorts tragi-comiques du périple d’une historienne en quête de sens.
L’équipe
Le Cerveau volé, c’est aussi une histoire d’amitié.
Durant l’hiver 2011, alors qu’il est censé mener ses recherches doctorales sur l’histoire de la gynécologie, Tommy découvre l’histoire du cerveau volé. Comme à son habitude, il dévie, va voir loin, bien plus loin que là où tout le monde l’attend. L’histoire le captive, l’emballe et bientôt son enthousiasme vire à l’obsession. Laura et Valérie l’écoutent, subjuguées, parfois agacées, mais surtout convaincues que cette histoire mérite une audience bien plus large.
Mais, en 2012, toutes les deux ont aussi d’autres histoires à raconter ou plutôt des thèses sur lesquelles travailler.
Valérie est fascinée par les récits de patient.e.s des vieux hôpitaux de Bruxelles, dont les accents poétiques font de chaque lettre écrite par l’un.e d’entre eux une œuvre singulière. Musicienne tout autant qu’historienne de la médecine, Valérie se délecte de ces mots qui la guident dans l’histoire intime et complexe des institutions de soin, mais qu’elle appréhende aussi comme une douce et mystérieuse mélodie.
Laura, elle, est fascinée autant qu’amusée par les ressorts dramatiques des obsessions scientifiques. Historienne de l’enfance et de l’adolescence, elle aime à relever les ambiguïtés des concepts et des catégories. Surtout, Laura tisse les liens entre les époques et met au jour que, si les narrations évoluent, les personnages passés et présents partagent une humanité fragile et complexe qui doit être prise en compte pour écrire sans se bercer d’illusions.
Cinq ans plus tard, Tommy, Laura et Valérie accouchent – dans la douleur et l’euphorie – de leur thèse respective. L’épreuve académique était accomplie. Il leur restait pourtant d’autres histoires à raconter, comme autant de promesses non tenues. Ces trois-là voulaient raconter autrement, se positionner différemment et renouer avec leurs premières amours : « faire » des histoires.
Leur amitié avait survécu aux aléas de leur jeune vie professionnelle et ce qui était à la fois un rêve et un pied de nez à ce qu’avait été leur carrière jusque-là prit la forme d’un objet radiophonique en devenir. Sans le mesurer tout à fait alors, iels se sont embarqué.e.s dans un périple émancipateur de quatre années qui les transforma en historien.ne.s accompli.e.s, enfin. Quatre années durant lesquelles leur amitié a parfois fléchi, mais n’a jamais cédé, au contraire. C’est là sans doute leur véritable réussite.